Interview Victoria Valentin – XXIII° Rencontres internationales d’orthophonie – 2023

XXIII° Rencontres Internationales d’Orthophonie

Entretien avec Victoria Valentin

Propos recueillis par Sandrine Basaglia-Pappas, co-responsable des Rencontres d’Orthophonie décembre 2023

En quelques lignes, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel ?

Je suis Victoria Valentin et j’exerce actuellement en tant qu’orthophoniste dans un cabinet libéral à Nîmes (Gard). Après avoir été diplômée en 2021, j’ai intégré le Laboratoire Sensori-motricité, Neuroplasticité et Communication, du Pr. Durand en 2022. D’ici l’année prochaine, je souhaiterai commencer un doctorat en co-tutelle : orthophonie (Canada) et neurosciences (France).

Les rencontres 2023 au sein desquelles vous allez intervenir portent sur les troubles du langage oral. Selon vous, que(s) rôle(s) jouent les orthophonistes dans ce domaine ?

Un orthophoniste envisage le langage comme un ensemble de réseaux interconnectés, pouvant être modélisés comme un système avec plusieurs composantes et différents niveaux de traitement. C’est un professionnel qui va être en mesure d’établir le tableau clinique d’un patient et de proposer un plan de soin adapté pour maintenir ou améliorer la production et la compréhension du langage oral. Son rôle est de faire des liens pour comprendre les symptômes et agir sur les processus altérés qui en sont à l’origine.

Pourquoi ces troubles vous intéressent-ils, pourquoi travaillez-vous dessus, quels sont vos axes de recherche ?

Dans la perspective de la Cognition Incarnée et Située, nous considérons que le langage est ancré dans l’action et que les représentations linguistiques sont liées aux représentations sensori-motrices. Ce qui nous intéresse, c’est d’approfondir l’étude des gestes faisant partie intégrante du langage oral. La littérature actuelle montre qu’ils jouent un rôle le dans la production et la compréhension du langage chez les neurotypiques et qu’ils constituent des ressources importantes pour améliorer la communication des personnes avec aphasie, mais les outils d’analyse de ces gestes ainsi que la diffusion d’un matériel de rééducation qui les intègre sont encore peu développés. Nos axes de recherche concernent donc l’étude des types et des fonctions de gestes produits par les personnes avec aphasie et les liens qu’ils entretiennent avec les représentations verbales.

Votre exposé portera sur « La thérapie Personalized Observation, Execution, and Mental Imagery (POEM) ciblant l’anomie des verbes chez des personnes avec aphasie chronique : analyse de ses effets sur les gestes produits lors du discours narratif » : Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

L’anomie est le symptôme le plus fréquent dans les aphasies post-AVC et elle va davantage impacter la communication de la personne avec ses pairs quand elle concerne les verbes. Dans cette étude, nous avons utilisé la thérapie POEM pour cibler la récupération des verbes, développée par Edith Durand dans ses travaux doctoraux. Cette thérapie est la première à proposer l’utilisation de 3 stratégies motrices : l’observation d’une action, l’exécution de cette action et la formation d’une image mentale de cette action. Des résultats probants ont montré qu’elle permettait bien une récupération au niveau des verbes et nous avons souhaité investiguer ses effets sur le plan des comportements non verbaux.

L’étude que nous allons vous présenter se propose donc d’analyser les gestes produits par des participants avec aphasie, pour déterminer si des modifications se sont opérées dans cet aspect de la production du discours. Nous avons créé une grille d’analyse des types et des fonctions des gestes à utiliser avec le logiciel d’annotations ELAN et l’avons éprouvé une première fois auprès de 9 participants avec aphasie post-AVC dans une tâche de discours narratif.

Et si intégrer l’analyse des gestes à une rééducation orthophonique de l’anomie des verbes permettait une meilleure récupération du langage ?

Merci Victoria ! A très bientôt aux Rencontres !